Du tableau noir au tableau interactif : Quelles évolutions ?

par Georges-Louis Baron et Cécilia Stolwijk

Université Paris Descartes, Laboratoire EDA

11 mai 2011

1. De George Baron à James Pillans…

Comment dater l’invention du tableau noir ? Comme nous l’explique Jean-Baptiste Lagrange dans son article intitulé « Instruments, usages et paradigmes dans l’enseignement des Mathématiques : le tableau noir, l’ordinateur et l’Internet », on ne trouve pas trace de tableau noir dans l’iconographie des peintres de l’école flamande du XVIIe siècle qui ont choisi comme sujet le thème, familier à l’époque, de la classe d’un « régent » de village (Lagrange, s. d.). Cet auteur nous signale que Stendhal fait référence à l'utilisation d'un tableau à craie en 1798 à l'école Centrale de Grenoble dans son ouvrage « La vie de Henry Brulard ». Dans le tome II, chapitre 32, on trouve en effet, à partir de la page 35, des références au fait de passer au tableau. L’ouvrage édité par H. Debraye (1913), comprend, p. 36, un dessin où le jeune Beyle s’est représenté passant au tableau, sur une estrade.



Debraye, 1913, p. 36

Au chapitre 34, p. 58 il évoque aussi les démonstrations de mathématiques effectuées au tableau par l’enseignant ainsi que la toile cirée sur laquelle il fallait écrire avec une craie (p. 66) ainsi que, au chapitre 35, p. 70, son passage au tableau lors de l’examen.

Aux États-Unis, selon (Rickey & Shell-Gellash, s. d.), un professeur de mathématiques, Georges Baron, utilisa pour la première fois, dès 1801, une ardoise verticale (standing slate) au sein de l’académie militaire de West Point. Lors de son premier cours.

Un demi siècle plus tard, en 1852, que l’enseignant écossais James Pillans (1778-1864), dans son livre The Rationale of Discipline as Exemplified in the High School of Edinburgh, évoque brièvement l’intérêt du tableau noir, en particulier en classe de géographie (p. 109 et suivantes). Il remarque en effet que la reproduction de cartes sur le tableau avec des craies de couleur attire l’attention des élèves (Pillans, 1852)

Par la suite, le tableau noir s’est complètement intégré dans la réalité des classes, sous deux formes bien distinctes : une surface à la libre disposition du professeur pour illustrer son discours et un lieu d’interrogation pour des élèves redoutant souvent d’y perdre publiquement la face.

S’il a eu ce succès, c’est évidemment parce qu’il offre une surface commune à la disposition de la classe entière. Un inconvénient souvent relevé, est que l’enseignant, quand il y écrit, tourne le dos à la classe et ne peut donc surveiller ce que font les élèves. De ce point de vue, les rétro-projecteurs, puis les systèmes couplant ordinateurs et visio-projecteurs résolvent ce problème au prix, il est vrai, de la mise en œuvre d’un dispositif plus complexe, supposant une infrastructure technique et un service de maintenance plus sophistiqué.

2. Tivoli ou l’invention du tableau numérique

Les recherches en informatique menées au sein des laboratoires Xerox PARC en Californie au cours des années 1970 ont mené, en 1987, au développement du Liveboard, premier tableau interactif à projection arrière permettant d’annoter des documents virtuels. Cinq années plus tard, le projet Tivoli voyait le jour, commercialisant une application logicielle pour le Liveboard (Moran, Chiu, & Van Melle, 1997).

Cet article permet de comprendre le fonctionnement des interactions techniques réalisables avec Tivoli, c’est en effet le premier tableau sur lequel les objets présents peuvent être organisés, déplacés et regroupés par une série de gestes avec un stylet électronique. La suite est connue : les tableaux blancs apparaissent comme des nouveautés prometteuses mais en pratique plutôt compatibles avec les pratiques pédagogiques dominantes. Comme le signale Alain Chaptal dans un article de 2009 (Chaptal, 2009, p. 40) :

« Le débat sur l’appropriation des TICE par les enseignants, simple adoption permettant l’enrichissement de cours assez traditionnels ou agent de transformation de la pédagogie, semble donc nettement pencher en faveur de la première hypothèse, cohérente avec le déploiement des tableaux blancs interactifs et l’usage plutôt simple qui est fait de ceux-ci. On y reviendra ultérieurement quand on parlera de personnalisation ».

3. Vers des tableaux discount ?

Les solutions techniques utilisées par les tableaux numériques interactifs (T.N.I) et les fonctionnalités des logiciels qui les animent, évoluent vite ainsi que les prix sur le marché. Johnny Chung Lee, chercheur chez Microsoft, indique sur son site (http://johnnylee.net/academic/) qu’il a mis au point un tableau numérique fonctionnant en bluetooth avec une télécommande console de jeu Wii. Ce « TNIWii » offre, d’après lui, de nombreux avantages comme par exemple le coût (environ 40 €) ainsi qu’une mise en place et un déplacement faciles. En contrepartie, les modules bluetooth ne sont pas toujours compatibles et l’autonomie du dispositif n’est pas comparable à celle d’un T.N.I dit « classique ». Des informations complémentaires ainsi que les explications pour créer son propre T.N.I sont disponibles sur le site suivant :

D’autres évolutions sont en cours, faisant l’objet de recherches et d’essais. C’est l’histoire qui dira plus tard quelle aura été leur pérennité.

Références

Chaptal, A. (2009). TICE: Pomp and Circumstance, Eléments d’analyse sur les usages des TICE en 2008 en Angleterre. Rapport d’étude réalisée pour Cap Digital, in Le rapport officiel BETT. Consulté de http://wwww.pfast.fr/?TICE-Pomp-and-Circumstance

Debraye, H. (1913). Vie de Henri Brulard, publié intégralement pour la première fois d’après les manuscrits de la bibliothèque de Grenoble (Vol. Tome second). Paris: Librairie ancienne Honoré et Edouard Champion.

Lagrange, J.-B. (s. d.). Le tableau noir, l’ordinateur et l’internet. Consulté mai 10, 2011, de http://jb.lagrange.free.fr/site/index.php?option=com_content&task=view&id=24&Itemid=51

Moran, T. P., Chiu, P., & Van Melle, W. (1997). Pen-based interaction techniques for organizing material on an electronic whiteboard. Proceedings of the 10th annual ACM symposium on User interface software and technology (p. 45–54). Consulté de http://citeseerx.ist.psu.edu/viewdoc/download?doi=10.1.1.68.7664&rep=rep1&type=pdf

Pillans, J. (1852). The Rationale of Discipline as Exemplified in the High School of Edinburgh. Edinburgh: Maclachlan & Stewart. Consulté de http://www.archive.org/details/rationaleofdisci00pilluoft

Rickey, F., & Shell-Gellash, A. (s. d.). Mathematics Education at West Point: The First Hundred Years. Math DL, the MAA sciences digital library. Consulté mai 11, 2011, de http://mathdl.maa.org/mathDL/46/?pa=content&sa=viewDocument&nodeId=1796&pf=1